Plans d'eau

1. L'état des plans d'eau

1.3. L'état chimique

L’état chimique des eaux superficielles est évalué à partir des concentrations dans l’eau de 50 substances ou familles de substances pour lesquelles les normes de qualité environnementale (NQE) fixées par la Directive Cadre sur l’Eau (DCE) ne doivent pas être dépassées.

Les substances prises en compte sont :

  • des pesticides : ils sont destinés à lutter contre les organismes nuisibles (mauvaises herbes, insectes, champignons…), et sont principalement employés par la profession agricole.

  • des composés organiques halogénés volatils ou COHV : ils regroupent une grande variété de substances chimiques aux caractéristiques très variables. Ils entrent dans la composition de nombreux produits industriels et domestiques (solvants, intermédiaires de synthèse, peintures, encres, colles, détachants…).

  • des hydrocarbures aromatiques polycycliques ou HAP : ils sont très répandus et proviennent en grande majorité de la combustion des énergies fossiles (charbon, pétrole) et du bois.

  • des métaux : ils proviennent essentiellement d’activités anthropiques (métallurgie, traitements de surface, incinération des ordures ménagères…) mais pas exclusivement. En effet, certains sont naturellement présents dans l’environnement tel le nickel qui est très répandu dans certaines régions comme les Alpes, le Massif Central, la Corse. La prise en compte d'un fond géochimique et l'application d'un modèle de calcul de la fraction dissoute biodisponible permet d'éviter des déclassements abusifs pour les métaux naturellement présents dans l'environnement.

  • d'autres substances (diphényléthers bromés, dérivés du benzène, chlorophénols et composés phénoliques, composés de l’étain, composés perfluorés, nonylphénols, phtalates, organochlorés, dioxines, furannes).

Toxiques, persistantes et bioaccumulables (classées en 2 catégories : les substances prioritaires et les substances dangereuses prioritaire), les substances de l’état chimique entraînent des dommages importants, notamment pour les écosystèmes aquatiques. C’est pourquoi, en application de la Directive Cadre sur l’Eau, leurs rejets, émissions et pertes doivent être supprimés ou réduits.

L'état chimique des plans d'eau suivis en 2022

  Dpt Type Réseau(x) Etat CHIM Commentaire Etat CHIM
Nom_Lac          
Abbaye 39 NAT RCS/CO B -
Alesani 2B MEFM RCS NS SP et SDP non mesurées puisque le suivi réalisé en 2022 ne porte que sur l'Elément de Qualité phytoplancton
Allement 1 MEFM CO B -
Allos 4 NAT RCS NS SP et SDP non mesurées puisque le suivi réalisé en 2022 ne porte que sur l'Elément de Qualité phytoplancton
Annecy 74 NAT RCS/CO B -
Bourget 73 NAT RCS/CO MAUV Déclass. : PFOS (MA)
Chaillexon 25 NAT RCS/CO MAUV Déclass. : PFOS (MA), Fluoranthène (MA)
Chalain 39 NAT RCS/CO B -
Chambon 38 MEFM RCS NS SP et SDP non mesurées puisque le suivi réalisé en 2022 ne porte que sur l'Elément de Qualité phytoplancton
Charmines-Moux 1 MEFM CO MAUV Déclass. : PFOS (MA)
Chevril 73 MEFM RCS B -
Châtelot 25 MEFM CO MAUV Déclass. : PFOS (MA), Fluoranthène (MA), Tributylétain cation (MA, CMA)
Cize-Bolozon 1 MEFM CO B -
Coiselet 39 MEFM CO B -
Eaux bleues 69 MEA RCS/CO MAUV Déclass. : PFOS (MA), Dichlorvos (CMA)
Entressen 13 NAT RCS/CO B -
Esparron 4 MEFM RCS NS SP et SDP non mesurées puisque le suivi réalisé en 2022 ne porte que sur l'Elément de Qualité phytoplancton
Lanoux 66 MEFM RCS NS SP et SDP non mesurées puisque le suivi réalisé en 2022 ne porte que sur l'Elément de Qualité phytoplancton
Léman 74 NAT RCS/CO MAUV Déclass. : PFOS (MA)
Mont-cenis 73 MEFM RCS NS SP et SDP non mesurées puisque le suivi réalisé en 2022 ne porte que sur l'Elément de Qualité phytoplancton
Montaubry 71 MEA RCS/CO B -
Nantua 1 NAT RCS/CO B -
Pierre-châtel 38 NAT RCS/CO B -
Puyvalador 66 MEFM CO B -
Roselend 73 MEFM RCS NS SP et SDP non mesurées puisque le suivi réalisé en 2022 ne porte que sur l'Elément de Qualité phytoplancton
Saint Cassien 83 MEFM RCS NS SP et SDP non mesurées puisque le suivi réalisé en 2022 ne porte que sur l'Elément de Qualité phytoplancton
Sainte Croix 4 MEFM RCS NS SP et SDP non mesurées puisque le suivi réalisé en 2022 ne porte que sur l'Elément de Qualité phytoplancton
Salagou 34 MEFM RCS B -
Serre ponçon 5 MEFM RCS NS SP et SDP non mesurées puisque le suivi réalisé en 2022 ne porte que sur l'Elément de Qualité phytoplancton
Tolla 2A MEFM RCS NS SP et SDP non mesurées puisque le suivi réalisé en 2022 ne porte que sur l'Elément de Qualité phytoplancton
Val 39 NAT RCS B -

Dpt : département.

Type : type de plan d'eau => naturel (NAT), anthropique (MEFM = masse d'eau fortement modifiée / MEA = masse d'eau artificielle).

Réseaux(x) : appartenance à un réseau DCE du programme de surveillance : RCS et/ou CO.

Etat CHIM : B : bon état / MAUV : non atteinte du bon état / NS : non suivi.

SP et SDP. : Substances Prioritaires et Substances Dangereuses Prioritaires.

MA / CMA : Moyenne Annuelle / Concentration Maximale Admissible.

Déclass. : paramètre déclassant.

Les prélèvements intégrés de zone euphotique, les prélèvements de fond et les éventuels prélèvements intermédiaires (cas des plans d'eau de grande profondeur, > 100 m., où un ou plusieurs prélèvements ponctuels supplémentaires sont réalisés sur la colonne d'eau afin de mieux appréhender la qualité globale de la masse d'eau) ont été pris en compte dans l’évaluation de l’état chimique des plans d’eau.

Lorsqu'un paramètre n'est pas quantifié et que sa limite de quantification est supérieure à sa norme de qualité environnementale, il est impossible de statuer sur le respect ou non de la norme. Ainsi, l'état reste en grande partie indéterminé pour six substances ou familles de substances du fait d'une limite de quantification trop élevée. Il s'agit des substances/familles de substances suivantes : des pesticides (cyperméthrine, dicofol, heptachlore et époxyde d'heptachlore), un HAP (le benzo(a)pyrène), un tensio-actif fluoré (le PFOS) et un composé aliphatique bromé (l'hexabromocyclododécane). De même, la réhausse ponctuelle par le laboratoire d'analyse (sur un ou plusieurs prélèvements) de la limite de quantification de certains paramètres considérés dans l'évaluation de l'état chimique ne permet pas de statuer sur le respect de la norme de qualité environnementale de ces paramètres pour plusieurs plans d'eau suivis en 2022 (situation rencontrée pour le dichlorvos et le DEHP sur 10 plans d'eau et plus sporadiquement pour le tributylétain cation (3 PE) et les chloroalcanes C10-13 (1PE)).

Comme pour les polluants spécifiques de l'état écologique, les substances de l'état chimique ne sont pas recherchées si le plan d'eau ne fait l'objet que d'un suivi spécifique du phytoplancton. Ainsi, l'état chimique n'est donc évaluable que pour 20 des 31 plans d'eau suivis en 2022.

Bien que la grande majorité (70% - 14/20) des plans d'eau ayant fait l'objet d'un suivi des micropolluants présente un bon état chimique, la proportion de plans d'eau en mauvais état chimique paraît assez surprenante comparée aux suivis antérieurs où la quasi-totalité des plans d'eau (à part 2 plans d'eau bien identifiés) affichait systématiquement un bon état chimique. De plus, pour les six plans d'eau déclassés, une même substance est en cause (parfois associée à un, voire deux autres composés dans le cas de 3 plans d'eau) : il s'agit de l'acide perfluorooctanesulfonique (PFOS). Le PFOS est une substance appartenant aux PFAS : substances per- et polyfluoroalkylées, largement utilisées depuis les années 1950 dans divers domaines industriels et produits de consommation courante : textiles, emballages alimentaires, mousses anti-incendie, revêtements antiadhésifs, cosmétiques, produits phytosanitaires, etc...

Pourquoi un tel changement dans les résultats d'évaluation de l'état chimique des plans d'eau suivis en 2022 ?

  • Il ne s'agit pourtant pas d'une substance nouvellement recherchée dans le cadre de la surveillance environnementale des eaux. En effet, celle-ci est recherchée depuis 2014 sur les plans d'eau des bassins Rhône-Méditerranée et Corse ;

  • Ce constat n'est pas non plus à relier à une augmentation des concentrations mesurées dans les eaux (du moins, les données acquises ne permettent pas d'étudier une tendance dans les concentrations mesurées) ;

  • Cette situation est en fait expliquée par les progrès analytiques accomplis par les laboratoires d'analyses. Ainsi, l'abaissement de la limite de quantification (LQ) de ce paramètre d'un facteur 10 (0.02 µg/l à 0.002 µg/l, soit 2 nanogrammes) entre les années de suivi 2021 et 2022 a mis en évidence une contamination de nombreux plans d'eau par ce type de substance.

Il convient de souligner que sur la période 2014-2021, aucune quantification de PFOS n'avait été enregistrée, la LQ étant trop élevée pour permettre ces détections.

Pour en savoir plus sur les PFAS : https://www.auvergne-rhone-alpes.developpement-durable.gouv.fr.

Parmi les 6 plans d'eau évalués en mauvais état chimique :

  • Deux plans d'eau sont en connexion avec le Rhône (Léman, Bourget) et un plan d'eau est alimenté directement par la nappe d'accompagnement du Rhône (la gravière des Eaux Bleues). C'est sur ce dernier plan d'eau que les concentrations en PFOS sont les plus importantes (10 ng en moyenne annuelle, contre 4 ng sur le lac du Bourget et 5 ng sur le Léman / pour une NQE-MA de 0.65 ng/l). Des analyses réalisées dans le cadre de la surveillance des eaux souterraines, dans la nappe d'accompagnement du Rhône sur le même secteur (puits N°2 de la Garenne, commune de Meyzieu, masse d'eau des alluvions du Rhône - Ile de Miribel-Jonage) dévoilent des concentrations relativement élevées en PFOS dans la nappe (près de 28 ng en moyenne annuelle avec des valeurs en PFOS comprises entre 16 et 37 ng sur les 4 campagnes réalisées en 2022). Il convient d'indiquer que le secteur évoqué ici se situe en amont de Lyon et n'est donc pas comparable à la situation rencontrée dans la nappe alluviale du Rhône en aval de Pierre-Bénite. Dans ce secteur très urbanisé de l'Est lyonnais, il est très difficile de pouvoir identifier une source principale d'apport pour expliquer les contaminations observées. Concernant la gravière des Eaux Bleues, un insecticide (le dichlorvos) entraîne également le déclassement de l'état chimique du plan d'eau. Cette substance a été quantifiée sur un seul échantillon à une concentration proche de la NQE-CMA (1.1 ng/l pour une NQE-CMA de 0.7 ng/l).

  • Deux plans d'eau sont localisés sur le Doubs : le lac de Chaillexon et la retenue localisée en aval immédiat, la retenue du Châtelot. Il s'agit des deux plans d'eau fréquemment identifiés en mauvais état chimique dans la cadre de la surveillance. En plus du PFOS, quantifié avec une concentration de 2 ng/l en MA sur ces deux plans d'eau, un hydrocarbure aromatique polycyclique (le fluoranthène), associé à un produit organostannique sur la retenue du Châtelot (le tributylétain cation - le tributylétain a été largement utilisé dans les peintures antisalissures pour bateau, interdit d'utilisation dans ce cadre depuis 2008), sont responsables du déclassement observé. La moyenne annuelle en fluoranthène est voisine de 7 ng/l pour les 2 plans d'eau, soit légèrement supérieure à la norme de qualité environnementale définie pour ce paramètre (NQE-MA = 6.3 ng/l). Il s'agit du cinquième suivi consécutif (après 2010, 2013, 2016 et 2019) concluant au mauvais état chimique du lac de Chaillexon. Dans tous les cas, des hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) font patie des paramètres en cause (fluoranthène en 2022, 2019 et 2016, benzo(a)pyrène en 2013, benzo(a)pyrène et fluoranthène en 2010). La navigation intense sur le lac de Chaillexon (navettes touristiques pour le site du Saut du Doubs) pourrait être à l’origine des teneurs observées, une des sources de HAP étant la combustion incomplète des carburants des moteurs thermiques. Ce même type de substance est retrouvé sur le support sédiment du lac de Chaillexon à des concentrations très importantes par rapport aux valeurs habituellement observées en plans d'eau (Cf. partie consacrée aux micropolluants sur le support sédiment). Concernant le tributylétain cation, une seule quantification a été enregistrée sur la retenue du Châtelot, mais à une concentration supérieure aux NQE (MA et CMA) définies pour ce paramètre.

  • Un plan d'eau est localisé sur l'Oignin, dans l'Ain, la retenue de Charmines-Moux. Le seul paramètre PFOS est alors responsable du mauvais état chimique du plan d'eau (concentration de 2 ng/l en MA).

Pour ces 6 plans d'eau, les quantifications en PFOS sont systématiques pour la gravière des eaux Bleues (8/8), le lac du Bourget (12/12) et le lac Léman (16/16), alors que celles-ci sont plus sporadiques sur le lac de Chaillexon (2/6), la retenue du Châtelot (3/8) et la retenue de Charmines-Moux (2/8).

Le résultat de l’évaluation de l’état chimique des plans d'eau 2023 traduit le caractère persistant des perfluorés, « polluants éternels », et l’application d’une NQE particulièrement basse pour le paramètre PFOS (0.65 ng/l en moyenne annuelle).

La surveillance des micropolluants ne s'arrête pas aux seules substances de l'état chimique. Ainsi, pour chaque prélèvement où s'effectue l'analyse des micropolluants, plus de 1000 paramètres sont recherchés. Une approche plus globale est présentée dans les parties consacrées aux micropolluants sur le support eau et aux micropolluants sur le support sédiment.