Plus de mille substances sont recherchées par prélèvement sur les plans d'eau faisant l'objet d'un suivi des micropolluants (plans d'eau du RCS : tous les 6 ans / plans d'eau du CO à risque "Substances" et/ou "Nutriments" et/ou "Pesticides" : tous les 3 ans). Ces substances sont analysées à chacune des quatre campagnes annuelles sur un échantillon intégré de la zone euphotique, et sur un échantillon de fond (hors plan d'eau de très faible profondeur, hors plans d'eau à fortes contraintes d'accès comme certains plans d'eau de référence) et éventuellement sur un ou plusieurs échantillons intermédiaires (pour les plans d'eau de grande profondeur : > 100 mètres). Le tableau ci-dessous liste les plans d'eau ayant fait l'objet d'un suivi de ce type en 2022.
Plan d'eau (département) | Intégré | Intermédiaire | Fond | Commentaire | Nombre total de prélèvements par an |
---|---|---|---|---|---|
Abbaye (39) | X | - | X | - | 8 |
Allement (01) | X | - | X | - | 8 |
Annecy (74) | X | - | X | - | 8 |
Bourget (73) | X | X (80 m.) | X | - | 12 |
Chaillexon (25) | X | - | X | 3ème camp. annulée | 6 |
Chalain (39) | X | - | X | - | 8 |
Charmines-Moux (01) | X | - | X | - | 8 |
Châtelot (25) | X | - | X | - | 8 |
Chevril (73) | X | X (1/2 non euph.) | X | - | 12 |
Cize-Bolozon (01) | X | - | X | - | 8 |
Coiselet (39) | X | - | X | - | 8 |
Eaux Bleues (69) | X | - | X | - | 8 |
Entressen (13) | X | - | X | - | 8 |
Léman (74) | X | X (100, 200 m.) | X | - | 16 |
Montaubry (71) | X | - | X | - | 8 |
Nantua (01) | X | - | X | - | 8 |
Pierre-Châtel (38) | X | - | X | - | 8 |
Puyvalador (66) | X | - | X | - | 8 |
Salagou (34) | X | - | X | - | 8 |
Val (39) | X | - | X | - | 8 |
"1/2 non euph." : prélèvement intermédiaire réalisé à une profondeur égale à la moitié de la zone non-euphotique
Les grands types de substances quantifiées
Le graphique ci-dessous illustre le nombre de quantifications enregistrées des principales familles de micropolluants par plan d'eau sur l'année 2022 :
Nombre de substances recherchées par échantillon et par famille de micropolluants en 2022 : Micropolluants minéraux (26), Phytosanitaires (642), Emergents (158), Micropolluants organiques (224), HAP (18), PCB-Dioxines-Furanes (30) et autres (4).
Seules les valeurs qualifiées de correctes sont considérées dans le traitement.
Tous les prélèvements sont pris en compte (intégré de zone euphotique, fond et éventuels prélèvements intermédiaires).
Toutes substances confondues et en considérant le nombre de prélèvements réalisés par plan d'eau (généralement 8, 12 sur le lac du Bourget et la retenue du Chevril, 16 sur le Léman et seulement 6 sur Chaillexon), la retenue de Charmines-Moux sur l'Oignin, les retenues de Chaillexon et de Châtelot sur le Doubs, ainsi que l'étang d'Entressen constituent les plans d'eau affichant le plus de quantifications en micropolluants. Sur ces plans d'eau, il est intéressant de constater que ce n'est pas le nombre de quantification en éléments traces métalliques qui domine (configuration habituellement rencontrée) mais le nombre de quantifications de substances émergentes.
Le lac Léman affiche le plus grand nombre de quantifications en termes de valeur brute mais cela s'explique mathématiquement par le plus grand nombre de prélèvements réalisés sur ce plan d'eau.
Les éléments traces métalliques sont la principale famille de micropolluants retrouvée dans les eaux de plans d'eau (près de 1800 quantifications tous plans d'eau confondus). Viennent ensuite les substances émergentes (1050 quantifications), les micropolluants organiques (près de 710 quantifications) et les phytosanitaires (235 quantifications), puis les autres substances (143 quantifications) et les HAP (56 quantifications). Aucune substance du groupe des PCB-Dioxines-Furanes n'a été quantifiée.
Les éléments traces métalliques (ETM) sont naturellement présents dans les eaux de surface (la composition en ETM dépend de la géochimie des terrains traversés), mais les activités anthropiques (principalement industrielles, minières et agricoles) contribuent à augmenter les concentrations observées et le nombre de composés retrouvés.
Le graphique ci-dessous illustre le nombre de quantifications des principales familles de micropolluants, hors métaux, afin de mieux discerner les quantifications des autres groupes de substances.
Les substances émergentes recherchées comprennent des résidus pharmaceutiques (128 substances), des stéroïdes et hormones (17 substances), des cosmétiques (7 substances), des stimulants (4 substances) et deux antimicrobiens.
Tous les plans d'eau suivis en 2022 ont présenté des quantifications de substances émergentes.
Seules deux catégories de substances émergentes sont principalement quantifiées sur les plans d'eau suivis en 2022 : des résidus pharmaceutiques et des stimulants. Tous plans d'eau confondus, la première catégorie de substances enregistre 651 quantifications et la seconde 377 quantifications.
Les stimulants et résidus pharmaceutiques sont retrouvés sur la totalité des plans d'eau suivis en 2022.
Le nombre de quantifications en stimulants reste globalement assez homogène entre les différents plans d'eau suivis (18 quantifications en moyenne, valeur médiane de 19 quantifications - chiffre calculé en rapportant les quantifications mesurées à un nombre de prélèvement total identique de 8 prélèvements par plan d'eau / généralement de 10 à 20 quantifications par plan d'eau).
La situation est différente en ce qui concerne la contamination par les résidus pharmaceutiques puisque quelques plans d'eau concentrent un nombre élevé de quantifications. Ainsi, la valeur moyenne de quantification en résidus pharmaceutiques par plan d'eau atteint 32, pour une valeur médiane bien inférieure puisque atteignant "seulement" le chiffre de 17. La valeur moyenne est fortement influencée par le nombre de quantifications mesurées sur 4 plans d'eau : Charmines-Moux (116 quantifications), Chaillexon (80 quantifications - 6 prélèvements), Entressen (74 quantifications) et Châtelot (68 quantifications). Ces 4 plans d'eau totalisent près de 60 % des quantifications en résidus pharmaceutiques enregistrées en 2022.
La retenue de Charmines-moux est implantée sur l'Oignin, à proximité d'Oyonnax. Les rejets domestiques issus des villes localisées en amont plus ou moins lointain peuvent expliquer l'origine de ces apports : Izernore, Nantua (STEP de Nantua-Géovreissiat).
Les retenues de Chaillexon et du Châtelot sont localisées sur le Doubs, en aval de Villers-le-lac et de Morteau. La quasi-totalité des substances pharmaceutiques rencontrées sont également quantifiées sur la station RCS du Doubs à Morteau (06018500), localisée en amont du lac de Chaillexon, entre Morteau et Villers-le-lac et en aval du rejet de la STEP de Morteau.
L'étang d'Entressen, localisé à l'Ouest d'Istres, dans le plaine de Crau, semble quant à lui impacté par le rejet de la STEP d'Istres-Entressen.
Les substances pharmaceutiques proviennent essentiellement des rejets de station d'épuration qui traitent souvent de manière partielle ce type de composés. L'usage vétérinaire doit aussi être considéré (élevage, animaux domestiques) parmi les principales voies d'apport aux milieux aquatiques.
Cinq substances émergentes sont très fréquemments quantifiées tous plans d'eau confondus (fréquence de quantification > 40 %) :
Un résidu pharmaceutique : la metformine, il s'agit de l'antidiabétique oral le plus prescrit pour traiter les patients atteints de diabète de type 2 et particulièrement les personnes en surpoids. Une utilisation en tant que coupe faim pourrait expliquer également son usage important et le fait qu'elle soit retrouvée à une fréquence de quantification très élevée et à des concentrations également assez importantes. Elle a ainsi été quantifiée sur la totalité des plans d'eau suivis en 2022 (20/20). Sa fréquence de quantification atteint près de 97 % ce qui signifie qu'elle est presque systématiquement quantifiée sur l'ensemble des prélèvements réalisés. Elle représente à elle seule 26 % des quantifications enregistrées en résidus pharmaceutiques. La concentration moyenne en metformine est voisine de 0.1 µg/l (médiane de 0.06 µg/l). 85 % des résultats restent inférieurs à la valeur de 0.2 µg/l. La concentration maximale mesurée en 2022 atteint 0.7 µg/l (lac de Chaillexon).
Les quatre autres substances sont des stimulants :
La nicotine contenue dans le tabac (fréquence de quantification de 50 %) et son sous-produit de dégradation par l'organisme, la cotinine, (fréquence de quantification de près de 70 %) touchent la totalité des plans d'eau ;
Un stimulant présent dans le café, le thé, certains sodas : la caféine (fréquence de quantification de 40 %) et son principal métabolite dans l'organisme, le 1,7-diméthylxanthine ou paraxanthine (fréquence de quantification de 57 %).
Tous ces stimulants se retrouvent sur la quasi-totalité des plans d'eau suivis en 2022. Seule la caféine n'est pas quantifiée sur l'ensemble des plans d'eau : 17 plans d'eau concernés par au moins une quantification de caféine sur un total de 20 plans d'eau suivis.
Ces stimulants sont éliminés via les urines et rejoignent les stations d'épuration où ils ne sont que partiellement traités et sont alors rejetés pour partie dans l'environnement avec les eaux épurées. Caféine, nicotine et cotinine peuvent ainsi être considérées comme des indicateurs de pollution des eaux par les rejets d'eaux usées domestiques. La quantification de nicotine dans le milieu aquatique peut aussi être liée directement à la dégradation des mégots de cigarettes jetés dans l'environnement, contaminant le milieu naturel via les rejets d'eaux pluviales.
Les plus importantes concentrations ponctuelles en somme de résidus pharmaceutiques quantifiés au cours du suivi 2022 se retrouvent sur la retenue de Charmines-Moux et sur le lac de Chaillexon, deux plans d'eau précédemment cités comme présentant le plus de quantifications en résidus pharmaceutiques. Ainsi, sur les 15 valeurs affichant une concentration supérieure à 0.5 µg/l, 12 valeurs concernent ces deux plans d'eau. Les valeurs les plus fortes observées sont voisines du microgramme par litre sur ces plans d'eau. Une quinzaine de substances différentes sont alors en cause, la metformine étant celle qui contribue le plus à la valeur somme calculée.
La mepivacaïne, un anesthésique, se distingue par le fait que ses quantifications ne concernent qu'un seul plan d'eau : le lac Léman. La présence de résidus pharmaceutiques dans le Léman est également à rechercher dans les rejets de l’industrie pharmaceutique, plusieurs sites de production pharmaceutique étant implantés le long du Rhône, dans le Valais, en amont du lac Léman. Ainsi, cette substance est produite industriellement sur le bassin versant valaisan du Rhône (de même que la carbamazépine : anti-épileptique, qui entre dans la composition de nombreux médicaments).
Concernant les stimulants, en termes de somme de stimulants par échantillon, 15 valeurs dépassent le seuil de 0.5 µg/l. La liste des échantillons concernés comprend 14 plans d'eau différents, illustrant le caractère diffus de cette contamination. Une même substance prend une part importance dans la valeur somme calculée, il s'agit de la nicotine. En effet, celle-ci contribue en moyenne à 75% de la valeur somme observée pour chacun de ces 15 échantillons.
S'agissant de la caféine, de la nicotine et de la cotinine, ces résultats sont cependant à prendre avec précaution, une récente étude menée par AQUAREF concluant que les résultats d'analyses menés sur ces paramètres sont largement faussés du fait d'un risque de contamination élevé des échantillons lors de la phase de prélèvement et/ou d'analyse (N. GUIGUES, B. LEPOT – Bassin Rhône Méditerranée : Evaluation de l’incertitude de mesure, incluant la contribution de l’échantillonnage, et influence de la température et du délai de transport de l’échantillon sur l’incertitude de mesure – Rapport Aquaref 2022 – 61 pages).
Des produits phytosanitaires sont quantifiés sur 75 % des plans d'eau suivis en 2022 (15/20 avec au moins une quantification).
Il s'agit bien souvent de quantifications ponctuelles. Quatre plans d'eau concentrent 70 % des quantifications enregistrées : le Léman (75 quantifications), l'étang de Montaubry (35 quantifications), la retenue du Salagou (34 quantifications) et l'étang d'Entressen (21 quantifications). Ces quantifications se répartissent sur de nombreuses substances différentes : de 10 substances (Montaubry, Salagou) à 15 substances pour le Léman et un nombre un peu plus restreint sur Entressen (6 substances). Le Léman, bien que faisant l'objet de deux fois plus de prélèvements que les trois autres plans d'eau listés ci-dessus, affiche un nombre de quantifications par prélèvement comparable à la situation observée sur Montaubry ou Salagou et mérite donc bien d'être cité parmi les plans d'eau suivis en 2022 affichant le plus de quantifications de substances phytosanitaires.
Concernant le Léman, ce sont essentiellement des herbicides et des métabolites d'herbicides qui sont retrouvés (57 quantifications/75). Deux herbicides, l'atrazine (quantifiée sur la quasi-totalité des échantillons analysés / l'atrazine est interdit d'usage en France depuis 2003 et en Suisse depuis 2012) et la terbuthylazine, quatre métabolites d'herbicides (AMPA, atrazine déséthyl, atrazine déisopropyl, terbuthylazine déséthyl) et un fongicide (métalaxyl) constituent l'essentiel des quantifications observées (80 %). Il convient cependant de préciser que 85 % des résultats en phytosanitaires restent inférieurs à 0.02 µg/l, soit des concentrations relativement faibles.
Sur l'étang de Montaubry, 60 % des quantifications de substances phytosanitaires sont dues à 3 paramètres : le métolachlore ESA, le métolachlore OXA et le métolachlore total. Les deux premiers (ESA et OXA) sont des produits de dégradation de l'herbicide S-métolachlore. Le S-métolachlore est venu remplacer le métolachlore (interdit en France depuis 2003) et est devenu l'un des produits les plus vendus pour le désherbage chimique du maïs depuis l'interdiction de l'atrazine.
Sur la retenue du Salagou, des métabolites d'herbicides sont principalement quantifiés. Les substances suivantes représentent 75 % des quantifications enregistrées en pesticides : terbuthylazine déséthyl et terbuthylazine déséthyl-2-hydroxy (2 métabolites de la terbuthylazine), simazine hydroxy (métabolite de la simazine / interdite d'usage en France depuis 2003) et 2-6 Dichlorobenzamide (métabolite du dichlobenil). Ce plan d'eau est localisé dans l'Hérault en secteur majoritairement viticole. La terbuthylazine est un herbicide de la famille des triazines souvent utilisé pour le désherbage des sols viticoles mais qui n'est plus autorisé que sur le maïs.
Sur l'étang d'Entressen, l'herbicide glyphosate et son produit de dégradation l'AMPA concentrent la grande majorité des quantifications (60 % des quantifications). L'étang d'Entressen est situé dans le département des Bouches du Rhône, à proximité d'Istres, dans la plaine de Crau. Il est alimenté par un système complexe de canaux et est aussi en lien avec la nappe de la Crau. Le glyphosate est un herbicide non sélectif largement utilisé en zones cultivées. La dégradation d'autres produits que le glyphosate (notamment des détergents) peut aussi être à l'origine des détections d'AMPA dans les eaux. Toutefois, si l'on retrouve de l'AMPA et du glyphosate dans une même analyse (ce qui est le cas d'Entressen), en toute vraisemblance l'AMPA provient majoritairement de la dégradation de ce même glyphosate. Par ailleurs, la durée de vie de l’AMPA étant supérieure à celle du glyphosate, cela explique également pourquoi l'AMPA se rencontre plus fréquemment et à de plus fortes concentrations dans les analyses d'eaux.
Tous plans d'eau confondus, ce sont essentiellement des métabolites d'herbicides et des herbicides qui sont retrouvés dans les échantillons d'eau (80 % des quantifications).
41 substances différentes ont été identifiées au total mais seulement 5 substances affichent plus de 10 quantifications. L'AMPA est de loin celle qui est le plus largement quantifiée (17 % des quantifications de pesticides enregistrées en 2022 sont liées à cette substance) et il s'agit de celle retrouvée sur le plus de plans d'eau distincts : 9 plans d'eau sur les 20 suivis en 2022 .
En termes de somme de pesticides quantifiés, parmi les concentrations les plus élevées constatées par échantillon, 10 des 14 valeurs présentant une concentration supérieure à 0.2 µg/l ne concernent que 2 plans d'eau : Entressen (7 échantillons, jusqu' à 0.6 µg/l de pesticides) et Montaubry (3 échantillons, jusqu' à 0.3 µg/l de pesticides). Alors qu'il paraît assez cohérent de retrouver ces 2 plans d'eau à plusieurs reprises dans ce classement puisqu'ils ont été identifiés parmi les plans d'eau présentant le plus de quantifications en pesticides, l'identification de deux autres plans d'eau en tête de liste est plus étonnante. Ainsi, la retenue du Chevril (barrage de Tignes), localisée sur l'Isère, à 1780 mètres d'altitude et le lac de l'Abbaye, dans le Jura, affichent respectivement une somme de concentration en pesticides pouvant atteindre 0.7 µg/l pour le premier et de 0.5 µg/l pour le second. Dans les deux cas, il s'agit de contaminations isolées. Ainsi, sur la retenue du Chevril, seuls 2 échantillons sur les 12 réalisés en 2022 ont affiché des quantifications en pesticides (l'échantillon en cause indique essentiellement la présence de l'herbicide glyphosate et de son métabolite AMPA à des concentrations presque identiques, voisines de 0.35 µg/l par substance, le second échantillon concerné ne présentant qu'une seule substance identifiée et une très faible concentration : 0.007 µg/l). Quant au lac de l'Abbaye, il s'agit de l'unique échantillon du suivi annuel ayant conduit à la quantification de pesticides et celui-ci ne comprend qu'une seule substance quantifiée (Dicamba, herbicide organochloré).
Les Hydrocarbures aromatiques polycycliques (HAP) sont quantifiés sur 85 % des plans d'eau (17/20) mais un plan d'eau totalise à lui seul près de 40 % des quantifications. Il s'agit du lac de Chaillexon positionné sur le cours amont du Doubs, en aval de Morteau. Les HAP font partie des paramètres responsables du classement en mauvais état chimique du plan d'eau de Chaillexon en 2022, de même que de la retenue du Châtelot, positionnée en aval immédiat du lac de Chaillexon (cf. explications dans la partie consacrée à l'état chimique des plans d'eau) et figurant en deuxième position pour le nombre de quantification en HAP.
Parmi les autres micropolluants recherchés, trois substances sont quantifiées sur la totalité des plans d'eau suivis en 2022 (au moins une quantification enregistrée) :
des cyanures libres. Le cyanure est un composé chimique constitué d’un atome de carbone et d’un atome d’azote. Le cyanure libre comprend l’ion cyanure et le cyanure d’hydrogène. Au niveau européen, le cyanure et ses dérivés sont principalement utilisés par l'industrie de synthèse chimique, pour la galvanoplastie, l’exploitation minière, le nettoyage des métaux, en tant qu'insecticide et rodenticide, entre autres. Dans l'environnement naturel, les plantes, les algues, les champignons, les bactéries ainsi que les arthropodes (insectes, arachnides, crustacés) contiennent des glycosides cyanogéniques produisant des cyanures, notamment du cyanure d'hydrogène. La décomposition des plantes constitue ainsi également une source naturelle de cyanure d'hydrogène. Des émissions provenant des industries chimiques (engrais, caoutchouc synthétique), des industries métallurgiques (fer, acier, extraction de l'or et de l'argent, galvanoplastie), des raffineries de pétrole, des incinérateurs d'ordures ménagères, de la combustion de polyuréthanes, d'acrylonitriles, de polyamides, de bois et de papier, lors d'incendies, ou provenant de la fumée de cigarette ou de traitements par fumigation, contribuent à la contamination de l'environnement par les cyanures. [INERIS - Fiche de données toxicologiques et environnementales des substances chimiques CYANURES ET DÉRIVÉS MAJ 29/06/2012].
Les cyanures libres constituent ainsi la substance la plus quantifiée avec une fréquence de quantification de 68 %. La moyenne des valeurs atteint près de 0.55 µg/l pour un maximum de 1.7 µg/l. La concentration ubiquitaire reportée par l'ATSDR (2006, Agency for Toxic Substances and Disease Registry) aux Etats-Unis était définie comme inférieure à 3.5 µg/l pour les eaux de surface.
du n-butyl phtalate : substance en lien avec l'industrie du plastique. Les phtalates sont utilisés notamment comme plastifiant dans les matières plastiques (PVC). Les principales sources d'émission de phtalates dans l'environnement sont plutôt diffuses : utilisation des produits finis en contenant, dégradation des déchets. Le compartiment atmosphérique semble jouer un rôle particulièrement important dans le transfert des phtalates, avec un maximum de contaminations observé en milieu urbain, dans des atmosphères confinées (auto, maison) ou dans les tuyaux PVC (Guide pratique micropolluants, AESN 2018).
La fréquence de quantification en n-butyl phtalate atteint 41 %. 91 % des concentrations mesurées en 2022 en n-butyl phtalate restent inférieures ou égales à 0.2 µg/l. La concentration maximale atteint 0.8 µg/l (retenue de l'Allement, échantillon de fond, 03/08/2022).
Un autre plastifiant, le DEHP, est également quantifié sur la quasi-totalité des plans d'eau suivis en 2022 (18/20, fréquence de quantification de 32 %). Le di(2-éthylhexyl)phtalate (DEHP) est une substance dangereuse prioritaire de la DCE. Du fait de ses effets sur l'homme et sur l'environnement, il fait l'objet de nombreuses restrictions d'usages.
Des contaminations par ce type de substances, liées à la phase d'échantillonnage ne sont également pas à exclure. En effet, les plastifiants étant largement utilisés dans la composition des matériels d'échantillonnage, il est possible qu'une part plus ou moins importante des quantifications observées puisse être imputée à l'échantillonnage.
du N-butylbenzène sulfonamide (NBBS) : il s'agit d'un autre plastifiant utilisé dans de nombreuses applications industrielles. Sa présence potentielle dans les plastiques qui peuvent être utilisés lors de l'échantillonnage est également à considérer. Sa fréquence de quantification atteint 29 %. La concentration maximale atteint 0.38 µg/l et 76% des valeurs quantifiées sont inférieures à 0.2 µg/l.
Parmi les substances les plus quantifiées mais non retrouvées sur la totalité des plans d'eau, un autre groupe de substances se distingue : il s'agit de deux substances utilisées comme additifs anticorrosifs dans l'industrie, le tolyltriazole et le benzotriazole. Ces substances se retrouvent également dans les eaux usées du fait de leur utilisation courante dans des produits domestiques (détergents pour lave-vaisselle, lessives en poudre contenant des agents blanchissants, matériel inoxydable). Le tolyltriazole est deux fois plus quantifié (fréquence de quantification de 60 %) que le benzotriazole (31 %) et touche un nombre de plans d'eau plus important également (respectivement 14 et 8 plans d'eau impactés). La moyenne des concentrations mesurées en tolyltriazole atteint 0.03 µg/l, pour un maximum de 0.17 µg/l. Les quantifications observées au-delà de la valeur de 0.035 µg/l (20 % des quantifications) ne concernent que 3 plans d'eau (Châtelot, Chaillexon et Charmines-Moux). Concernant le benzotriazole, la moyenne des concentrations mesurées atteint 0.12 µg/l (médiane de 0.065), pour un maximum de 1.3 µg/l. De la même manière que pour le tolyltriazole, les concentrations les plus élevées (>0.075 µg/l, 37 % des quantifications) ne concernent presque exclusivement que les 3 plans d'eau précédemment cités.
Enfin, plusieurs substances appartenant aux composés perfluorés (PFAS) sont rencontrées avec la caractéristique de présenter un niveau de contamination assez variable selon les substances (2 à 48 quantifications) réparties sur un nombre de plan d'eau assez restreint : 10 plans d'eau au total mais 5 d'entre eux concentrent 90 % des quantifications observées. La gravière des Eaux-Bleues (40 quantifications, 5 PFAS systématiquement quantifiés), le lac du Bourget (38 quantifications, 3 PFAS systématiquement quantifiés) et le lac Léman (18 quantifications, 1 PFAS systématiquement quantifié), la retenue du Châtelot (15 quantifications) et le lac de Chaillexon (10 quantifications) sont ainsi les plans d'eau présentant le plus de quantifications de PFAS.
Les PFAS constituent une vaste classe chimique caractérisée par la substitution totale ou partielle d’atomes d’hydrogène par des atomes de fluor autour du carbone. Ces liaisons chimiques très stables en font des composés chimiques très peu dégradables dans l’environnement. C’est la raison pour laquelle les PFAS sont aussi connus sous le nom de « polluants éternels ». Ces molécules sont synthétisées par l’industrie chimique depuis la fin des années 40 en particulier afin d’élaborer des produits résistants à l’eau et aux produits gras. D’après la littérature, il existe plus de 4000 substances appartenant à cette classe chimique, toutes d’origine anthropique. En raison de leurs propriétés hydrophobes et lipophobes ainsi que de leur stabilité thermique et chimique, elles possèdent un champ d'application très large : vêtements contre la pluie, revêtements anti-adhésifs pour batteries de cuisine et revêtements superficiels anti-taches, mousses anti-incendie, etc. L’utilisation des PFAS et de leurs dérivés dans un ensemble relativement important de produits à usages industriels et domestiques fait que ces composés peuvent se diffuser largement dans l’environnement.
Sur les 19 PFAS recherchés en 2022, 6 composés distincts ont été quantifiés. L'acide sulfonique de perfluorooctane (sul PFOS / 48 quantifications, 8 plans d'eau concernés) et l'acide perfluoro-n-hexanoïque (PFHxA / 34 quantifications, 5 plans d'eau concernés) sont les deux composés PFAS les plus quantifiés en plans d'eau en 2022. L'abaissement progressif des limites de quantifications (LQ) sur ces paramètres permet dorénavant la détection d'un plus grand nombre de ces substances. Ainsi l'abaissement d'un facteur 10 de la LQ pratiquée par le laboratoire assurant la réalisation des analyses sur eau de plans d'eau sur les bassins Rhône-Méditerranée et Corse dans le cadre de la surveillance pour le paramètre sul PFOS entre 2021 et 2022 (passage de 0.02 µg/l à 0.002 µg/l = 2 ng/l) a permis de révéler la contamination du milieu par ce PFAS, suivi depuis 2018 mais jamais détecté.
Toutes substances confondues, les valeurs observées se situent entre 2 ng/l et 16 ng/l. Les valeurs ponctuelles par substance les plus élevées (> 10 ng/l) sont rencontrées sur la gravière des Eaux-Bleues et le lac Léman, le sul-PFOS est alors en cause, et sur le lac de Chaillexon et la retenue du Châtelot où une autre substance se distingue, le PFHxA. Actuellement, seul le sul PFOS est considéré dans l'évaluation de l'état chimique des plans d'eau au sens de la Directive Cadre sur l'Eau (Cf. partie consacrée à l'état chimique des plans d'eau).