Les plans d'eau suivis en 2023 ont presque tous donné lieu à un suivi de micropolluants sur le support sédiment (plans d'eau du RCS : suivi effectué tous les 3 ans / plans d'eau du CO à risque "Substances" et/ou "Nutriments" et/ou "Pesticides" : suivi effectué tous les 3 ans). Près de 650 substances sont recherchées dans les sédiments. Ces substances sont analysées sur une seule campagne annuelle, effectuée en fin de période estivale. Le tableau ci-dessous récapitule les plans d'eau ayant fait l'objet d'un suivi de ce type en 2023.
Plan d'eau (département) | Réseau(x) | Plan d'eau (département) | Réseau(x) |
---|---|---|---|
Anse (69) | RCS | Paladru (38) | RCS/CO |
Aulnes (13) | RCS/CO | Panthier (21) | CO |
Carcès (83) | CO | Rousses (39) | RCS/CO |
Castillon (04) | RCS | Saint-Denis-lès-Bourg (01) | CO |
Chazilly (21) | CO | Sylans (01) | RCS/CO |
Devesset (07) | CO | Vingeanne (52) | CO |
Drapeau (69) | CO | Villeneuve de la Raho (66) | CO |
Entonnoir (25) | RCS | Vouglans (39) | RCS/CO |
Grand-Maison (38) | RCS | Calacuccia (2B) | RCS |
Jouarres (11) | RCS/CO | Ospédale (2A) | RCS |
Montrevel-en-Bresse (01) | CO |
Les grands types de substances quantifiées
Le graphique ci-dessous illustre, par plan d'eau et sur l'année 2023, le nombre de quantifications enregistrées pour les principales familles de micropolluants :
Nombre de substances recherchées par famille de micropolluants : Micropolluants minéraux (26), HAP (27), PCB-Dioxines-Furanes (31), Pesticides (325), Emergents (8), Micropolluants organiques autres (227) en 2023.
Comme sur le support "Eau", les éléments traces métalliques constituent la principale famille de micropolluants retrouvés dans les sédiments de plans d'eau. Tous les plans d'eau étudiés affichent ainsi entre 19 et 25 micropolluants minéraux quantifiés sur les 26 paramètres recherchés. Leur présence naturelle dans l’environnement et leur forte capacité d’adsorption sur le support sédiment expliquent ce nombre élevé de quantifications.
La quasi totalité des plans d'eau suivis présentent également des quantifications de HAP, seule la gravière du Drapeau ne fait pas ressortir de quantifications de ce type. Ces composés sont issus de la combustion incomplète des énergies carbonées (chauffage, transport). Les HAP sont des composés généralement peu solubles dans l’eau. Ils s’adsorbent sur les sédiments où ils vont s'accumuler. Le ruissellement des eaux pluviales sur la chaussée et les apports atmosphériques (lessivage de l'atmosphère lors des précipitations) sont les principales voies de transfert des HAP vers les milieux aquatiques.
Cinq plans d'eau s'illustrent par la quantification d'au moins 20 HAP différents et des concentrations comprises entre 1 000 µg/kg de matière sèche (MS) et 2 600 µg/kg MS : le lac des Rousses dans le Jura, le réservoir de la Vingeanne en Haute-Marne, le lac de l'Entonnoir dans le Doubs, le réservoir de Panthier en Côte-d'Or et le lac de Sylans dans l'Ain. Le chauffage au bois sur ce secteur géographique (Nord-Est du bassin) peut expliquer le niveau de contamination observé en HAP. La proximité d'axes de circulation automobiles importants contribue également probablement aux teneurs observées sur certains plan d'eau (lac de Sylans, localisé en contre-bas de l'autoroute A40). Pour la majorité des substances, les concentrations observées restent inférieures à la PEC ("probable effect concentration", MacDonald et Al 2000), soit la concentration à partir de laquelle une forte probabilité d’avoir des effets est attendue. Elles sont également inférieures à la TEC ("Threshold effect concentration"), correspondant à une concentration en dessous de laquelle on ne se s’attend pas à observer des effets. Seules les concentrations observées sur le lac des Rousses et le réservoir de la Vingeanne pour 3 des HAP disposant de ces seuils (benzo(a)anthracène, benzo(a)pyrène et pyrène) dépassent la TEC. La qualité des sédiments de ces deux plans d'eau paraît ainsi légèrement plus altérée que les autres plans d'eau suivis en 2023 mais il n'est pas possible de conclure sur le risque réel de toxicité.
TEC : Threshold Effect Concentration = concentration seuil d'effet
PEC : Probable Effect Concentration = concentration produisant un effet probable
La TEC correspond à une valeur seuil déclencheuse d'effets alors que la valeur PEC prédit des effets probables. En dessous du seuil TEC, les organismes ne sont pas considérés comme affectés par les différentes substances, car les concentrations sont très faibles. Au-dessus du seuil TEC, les organismes les plus sensibles sont possiblement affectés par les substances toxiques, alors qu'au-dessus du seuil PEC, les concentrations sont suffisamment élevées pour produire des effets néfastes sur les organismes [Surveillance de la qualité des sédiments en Suisse, Etat actuel des méthodes disponibles et mise en place de recommandations, Centre Suisse d'écotoxologie appliquée, 2012]
Contrairement aux HAP que l'on retrouve sur la quasi totalité des plans d'eau, les composés du groupe des "PCB, Dioxines, Furanes" se concentrent sur un nombre plus limité de plans d'eau (10/21).
Ce sont essentiellement des composés appartenant aux PolyChloroBiphényls (PCB) qui ont été quantifiés (56 % des quantifications concernent des PCB), ainsi qu'une substance de la famille des furanes, le dibenzofurane (44 % des quantifications concernent cette substance). Les PCB (aussi connus sous le nom de pyralène) sont des composés aromatiques chlorés synthétiques, longtemps utilisés dans l'industrie comme isolant électrique (condensateurs électriques), ignifugeant et lubrifiant. Ils étaient également utilisés dans les vernis, encres, peintures, solvants...
Leur utilisation est interdite en France depuis 1987. Très peu solubles dans l'eau, très persistants (très peu biodégradables), ils s'accumulent dans le milieu naturel (sol, sédiment) et dans la chaîne alimentaire (substances lipophiles). Les retombées atmosphériques sont également à considérer comme voie de contamination (incinérateurs).
Les concentrations observées en PCB restent faibles puisque inférieures à 4 µg/kg MS. La somme des 7 PCB indicateurs habituellement considérés est ainsi nettement inférieure à la TEC (59.8 µg/kg MS, McDonald et al 2000) sur l'ensemble des plans d'eau suivis en 2023.
Concernant le groupe des phytosanitaires, seuls deux plans d'eau présentent des quantifications de ce type en 2023.
Sur la retenue de Villeneuve-de-la-Raho, trois substances sont retrouvées dans des proportions assez proches : le dicofol (acaricide), la pentachloroaniline (métabolite de fongicides) et le DDE-p,p' (métabolite d'insecticides), tandis que sur le réservoir de Chazilly, deux insecticides (indoxacarbe et éthoprophos) et un herbicide (diflufénicanil) sont quantifiés dans de moindres peoportions.
Il convient également de noter que dans ce traitement de données, l'anthraquinone a été considérée en tant que HAP et non pas de phytosanitaire. Cette substance, dérivée de l'anthracène, peut se retrouver naturellement dans l'environnement (certains animaux, plantes en contiennent), mais c'est aussi une substance active de produits phytosanitaires, utilisée comme répulsif des oiseaux. Cette substance a été quantifiée sur 9 plans d'eau à une concentration généralement inférieure à 20 µg/kg MS. Seul 1 plan d'eau affiche une valeur supérieure (lac des Rousses 34 µg/kg MS).
Le groupe des substances dites "émergentes" a été retrouvé sur 10 plans d'eau. Une seule substance est en cause : l'octocrylène. Il s'agit d'un filtre UV présent dans certaines crèmes solaires et ayant la caractéristique de résister à l'eau. Il se retrouve également dans les cosmétiques de la vie quotidienne : shampoings, crèmes anti-âge, autobronzants... L'abaissement de la LQ de ce paramètre d'un facteur 20 entre les suivis 2021 et 2022 (100 µg/kg MS à 5 µg/kg MS) explique la fréquente quantification de cette substance lors des suivis 2022 et 2023 alors que celle-ci n'était qu'anecdotiquement quantifiée lors des suivis précédents (moyenne en 2023 de 37 µg/kg MS, valeur tirée vers la haut par la concentration mesurée sur la gravière de Montrevel-en-Bresse atteignant 85 µg/kg MS, la médiane n'étant que de 14 µg/kg MS).
9 autres micropolluants organiques ont été quantifiés. Deux isomères du Crésol (crésol-méta et crésol-para), ainsi que le di(2-éthylhexyl)phtalate (DEHP) constituent les substances quantifiées sur le plus grand nombre de plans d'eau (6 à 7 plans d'eau).
Les crésols peuvent être naturellement présents dans l'environnement (présents dans les plantes, issus du métabolisme de plusieurs organismes dont les mammifères et les micro-organismes, produits de la combustion incomplète de différentes hydrocarbures, du bois, etc.) ou bien issus d'une production anthropique. Les crésols sont largement utilisés comme intermédiaires dans la production de plusieurs produits qui sont eux-mêmes utilisés dans une grande variété d'applications quotidiennes telles que les antioxydants (dans les plastiques), les résines, les plastifiants, les pesticides, les colorants, les composés désodorisants et odorants, les parfums, les produits pharmaceutiques, et d'autres produits chimiques (OCDE, 2001, 2005). Les crésols commerciaux contiennent des pourcentages variables des 3 isomères. Les deux isomères du Crésol les plus quantifiés en 2023 dans les sédiments des plans d'eau sont retrouvés en des concentrations variant de quelques dizaines de µg/kg MS à quelques centaines sur la retenue de Calacuccia (696 µg/kg MS en crésol-para).
Les phtalates sont utilisés pour assouplir les matières plastiques et entrent donc dans la composition de nombreux plastiques (dont les PVC). Le DEHP est le plus utilisé des phtalates. Il s'agit d'une substance dangereuse prioritaire. La présence de phtalates dans l'environnement provient de la dégradation des déchets plastiques et du ruissellement de l'eau sur les surfaces plastifiées en contenant. La pollution par les phtalates est donc essentiellement d'origine diffuse. Le DEHP est biodégradable mais peut persister plus longtemps que d’autres phtalates dans le milieu aquatique où il va s’associer aux sédiments et ainsi mieux résister à la dégradation en mode aérobie (Dargnat, 2009). Les concentrations observées en 2023 restent faibles, inférieures à 100 µg/kg MS pour la quasi totalité des quantifications, seule 1 valeur est remarquable sur le réservoir de Chazilly (1 100 µg/kg MS).