Plans d'eau

2. Les éléments de qualité

2.3.2. Les micropolluants dans les sédiments

Tous les plans d'eau suivis en 2022 ont donné lieu à un suivi de micropolluants sur le support sédiment (plans d'eau du RCS : suivi effectué tous les 3 ans / plans d'eau du CO à risque "Substances" et/ou "Nutriments" et/ou "Pesticides" : suivi effectué tous les 3 ans). Près de 650 substances sont recherchées dans les sédiments. Ces substances sont analysées sur une seule campagne annuelle, effectuée en fin de période estivale. Le tableau ci-dessous récapitule les plans d'eau ayant fait l'objet d'un suivi de ce type en 2022.

Plan d'eau (département) Réseau(x) Plan d'eau (département) Réseau(x)
Abbaye (39) RCS/CO Lanoux (66) RCS
Allement (01) CO Léman (74) RCS/CO
Allos (04) RCS Montaubry (71) RCS/CO
Annecy (74) RCS/CO Mont-Cenis (73) RCS
Bourget (73) RCS/CO Nantua (01) RCS/CO
Chaillexon (25) RCS/CO Pierre-Châtel (38) RCS/CO
Chalain (39) RCS/CO Puyvalador (66) CO
Chambon (38) RCS Roselend (73) RCS
Charmines-Moux (01) CO Saint-Cassien (83) RCS
Châtelot (25) CO Sainte-Croix (04) RCS
Chevril (73) RCS Salagou (34) RCS
Cize-Bolozon (01) CO Serre-Ponçon (05) RCS
Coiselet (39) CO Val (39) RCS
Eaux bleues (69) RCS/CO Alesani (2B) RCS
Entressen (13) RCS/CO Tolla (2A) RCS
Esparron (04) RCS

Mont-Cenis : non mises en oeuvre des analyses physico-chimiques des sédiments de la retenue du Mont-Cenis du fait d'un important retard dans la livraison des échantillons (>15j) par le transporteur.

Alesani : prélèvements non réalisés (vidange du plan d'eau)

Eléments traces métalliques et HAP : principales familles de micropolluants du compartiment sédimentaire.

Les grands types de substances quantifiées

Le graphique ci-dessous illustre le nombre de quantifications enregistrées des principales familles de micropolluants par plan d'eau sur l'année 2022 :

Nombre de substances recherchées par famille de micropolluants : Micropolluants minéraux (26), HAP (27), PCB-Dioxines-Furanes (31), Pesticides (325), Emergents (8), Micropolluants organiques autres (227) en 2022.

Comme sur le support "Eau", les éléments traces métalliques constituent la principale famille de micropolluants retrouvés dans les sédiments de plans d'eau. Tous les plans d'eau étudiés affichent ainsi entre 24 et 26 micropolluants minéraux quantifiés sur les 26 paramètres recherchés. Leur présence naturelle dans l’environnement et leur forte capacité d’adsorption sur le support sédiment expliquent ce nombre élevé de quantifications.

La totalité des plans d'eau suivis présentent également des quantifications de HAP. Ces composés sont issus de la combustion incomplète des énergies carbonées (chauffage, transport). Les HAP sont des composés généralement peu solubles dans l’eau. Ils s’adsorbent sur les sédiments où ils vont s'accumuler. Le ruissellement des eaux pluviales sur la chaussée et les apports atmosphériques (lessivage de l'atmosphère lors des précipitations) sont les principales voies de transfert des HAP vers les milieux aquatiques.

Six plans d'eau s'illustrent par la quantification de plus de 20 HAP différents : Chaillexon et Châtelot, en continuité sur le Doubs, le lac de l'Abbaye dans le Jura, ainsi que trois plans d'eau de la "chaîne de l'Ain" (Charmines-Moux, Cize-Bolozon, Coiselet). Ces mêmes plans d'eau affichent les quantifications les plus élevées en termes de somme de HAP quantifiés : entre 2000 et 3000 µg/kg MS pour les trois plans d'eau de la "chaîne de l'Ain", près de 4700 µg/kg MS pour la retenue du Doubs (Châtelot), 7500 µg/kg MS pour le lac de l'Abbaye et jusqu'à près de 8500 µg/kg MS pour le lac de Chaillexon. Il est intéressant de rappeller qu'il s'agit des mêmes plans d'eau qui présentaient le plus de quantifications en HAP sur le support "Eau" (excepté Cize-Bolozon) et que le lac de Chaillexon est de loin celui qui était le plus impacté par les HAP sur ce support. La navigation intense sur le lac de Chaillexon (navettes touristiques pour le site du Saut du Doubs) pourrait être à l’origine des teneurs observées, une des sources de HAP étant la combustion incomplète des carburants des moteurs thermiques. Plus généralement, le chauffage au bois sur ce secteur géographique (Doubs-Jura) doit également être considéré pour expliquer le niveau de contamination observé en HAP.
Pour l'ensemble des plans d'eau suivis, les concentrations observées par substance restent inférieures à la PEC ("probable effect concentration", MacDonald et Al 2000), soit la concentration à partir de laquelle une forte probabilité d’avoir des effets est attendue, mais dépassent la TEC ("Threshold effect concentration"), correspondant à une concentration en dessous de laquelle on ne se s’attend pas à observer des effets, pour de nombreuses substances dans les cas des plans d'eau cités précédemment. La qualité des sédiments de ces plans d'eau paraît ainsi altérée mais il n'est pas possible de conclure sur le risque réel de toxicité.

  • Somme des concentrations et nombre de susbtances HAP quantifiées par plan d'eau en 2022
Somme des concentrations en HAP (µg/kg MS) Nombre de HAP quantifiés
Nom du plan d'eau
CHAILLEXON 8461 25
ABBAYE 7514 25
CHATELOT 4682 25
CHARMINE-MOUX 3057 24
CIZE-BOLOZON 2414 23
COISELET 2333 22
PIERRE-CHATEL 1963 19
ALLEMENT 1269 20
NANTUA 1219 20
MONTAUBRY 872 18
VAL 835 16
LEMAN 697 18
EAUX BLEUES 566 16
CHALAIN 392 13
TOLLA 336 14
BOURGET 330 13
ANNECY 269 13
ESPARRON 255 12
PUYVALADOR 226 4
SERRE-PONCON 188 10
SALAGOU 188 11
ENTRESSEN 182 12
SAINTE-CROIX 174 9
ALLOS 130 4
CHAMBON 107 6
LANOUX 86 3
SAINT-CASSIEN 60 2
ROSELEND 33 2
CHEVRIL 10 1
  • Comparaison des concentrations de certains HAP avec les valeurs seuils d'effet (MacDonald et al., 2000), en µg/kg MS, pour les plans d'eau présentant les concentrations totales en HAP les plus importantes
TEC PEC CHAILLEXON ABBAYE CHATELOT CHARMINE-MOUX CIZE-BOLOZON COISELET
Substance
Anthracène 57.2 845 136.0 88.0 76.0 58.0 55.0 51.0
Benzo (a) Anthracène 108 1050 502.0 274.0 268.0 191.0 171.0 139.0
Benzo (a) Pyrène 150 1450 753.0 455.0 430.0 256.0 191.0 175.0
Chrysène 166 1290 474.0 370.0 251.0 186.0 156.0 131.0
Dibenzo (ah) Anthracène 33 89.0 86.0 52.0 28.0 21.0 18.0
Fluoranthène 423 2230 1080.0 781.0 576.0 391.0 331.0 320.0
Fluorène 77.4 536 35.0 32.0 17.0 14.0 12.0 14.0
Naphtalène 176 561 19.0 44.0 11.0 14.0 14.0
Phénanthrène 204 1170 300.0 339.0 145.0 133.0 122.0 144.0
Pyrène 195 1520 960.0 582.0 517.0 334.0 271.0 269.0

TEC : Threshold Effect Concentration = concentration seuil d'effet

PEC : Probable Effect Concentration = concentration produisant un effet probable

La TEC correspond à une valeur seuil déclencheuse d'effets alors que la valeur PEC prédit des effets probables. En dessous du seuil TEC, les organismes ne sont pas considérés comme affectés par les différentes substances, car les concentrations sont très faibles. Au-dessus du seuil TEC, les organismes les plus sensibles sont possiblement affectés par les substances toxiques, alors qu'au-dessus du seuil PEC, les concentrations sont suffisamment élevées pour produire des effets néfastes sur les organismes [Surveillance de la qualité des sédiments en Suisse, Etat actuel des méthodes disponibles et mise en place de recommandations, Centre Suisse d'écotoxologie appliquée, 2012]

Contrairement aux HAP que l'on retrouve sur la totalité des plans d'eau, les composés du groupe des "PCB, Dioxines, Furanes" se concentrent sur un nombre plus limité de plans d'eau (17/29).
Ce sont essentiellement des composés appartenant aux PolyChloroBiphényls (PCB) qui ont été quantifiés
(91 % des quantifications concernent des PCB). Les PCB (aussi connus sous le nom de pyralène) sont des composés aromatiques chlorés synthétiques, longtemps utilisés dans l'industrie comme isolant électrique (condensateurs électriques), ignifugeant et lubrifiant. Ils étaient également utilisés dans les vernis, encres, peintures, solvants...
Leur utilisation est interdite en France depuis 1987. Très peu solubles dans l'eau, très persistants (très peu biodégradables), ils s'accumulent dans le milieu naturel (sol, sédiment) et dans la chaîne alimentaire (substances lipophiles). Les retombées atmosphériques sont également à considérer comme voie de contamination (incinérateurs).

Les plus fortes concentrations (>20 µg/kg MS en somme cumulée de PCB) sont obtenues sur le lac du Bourget et la retenue de Charmines-Moux (respectivement 65 et 63 µg/kg MS) et dans une moindre mesure sur les lacs de Pierre-Châtel, l'Abbaye et de Chaillexon (autour de 30 µg/Kg MS). Cette situation reste comparable à celle obtenue sur les suivis précédents. Pour ces plans d'eau, la somme des 7 PCB indicateurs habituellement considérés atteint 44 et 43 µg/kg MS pour les deux plans d'eau les plus impactés, et entre 22 et 24 µg/kg MS pour les trois autres plans d'eau cités. Ces valeurs restent inférieures à la TEC (59.8 µg/kg MS, McDonald et al 2000). Il faut cependant noter que cette valeur seuil paraît relativement élevée au regard de l'impact potentiel sur la contamination des poissons. Ainsi, dans le cadre de l'étude "Plan Rhône" et selon l'approche s'appuyant sur un modèle statistique, les seuils de 5.9 et 12.7 µg/kg MS (ΣPCBi dans les sédiments) étaient proposés pour que respectivement 75 % et 90 % des poissons soient conformes au seuil réglementaire de consommation (Babut, Miege et al. 2011).

  • Somme des concentrations en PCB et nombre de congénères quantifiés par plan d'eau en 2022
Somme des concentrations en PCB (µg/kg MS) Nombre de PCB quantifiés
Nom du plan d'eau
BOURGET 65.0 10
CHARMINE-MOUX 63.0 16
PIERRE-CHATEL 37.0 9
ABBAYE 32.0 14
CHAILLEXON 29.0 10
CHATELOT 14.0 6
COISELET 12.0 9
CIZE-BOLOZON 11.0 9
LEMAN 10.0 8
ALLEMENT 9.0 7
EAUX BLEUES 8.0 7
ENTRESSEN 8.0 5
NANTUA 6.0 6
ANNECY 5.0 5
SAINTE-CROIX 3.0 3
MONTAUBRY 2.0 2

Concernant le groupe des phytosanitaires, seuls deux plans d'eau présentent des quantifications de ce type en 2022.
Sur le lac de l'Abbaye, deux insecticides sont retrouvés en proportions égales (la perméthrine et le méthacrifos), tandis que sur le lac Léman, seul un fongicide est quantifié (le cyprodinil).

Il convient également de noter que dans ce traitement de données, l'anthraquinone a été considérée en tant que HAP et non pas de phytosanitaire. Cette substance, dérivée de l'anthracène, peut se retrouver naturellement dans l'environnement (certains animaux, plantes en contiennent), mais c'est aussi une substance active de produits phytosanitaires, utilisée comme répulsif des oiseaux. Cette substance a été quantifiée sur 17 plans d'eau à une concentration généralement inférieure à 50 µg/kg MS. Seuls 3 plans d'eau affichent une valeur supérieure (Chaillexon 155 µg/kg MS, Abbaye 85 µg/kg MS et Châtelot 76 µg/kg MS).

  • Somme des concentrations et nombre de susbtances phytosanitaires quantifiées par plan d'eau en 2022
Somme des concentrations en PHYTOSANITAIRES (µg/kg MS) Nombre de PHYTOSANITAIRES quantifiés
Nom du plan d'eau
ABBAYE 15.5 2
LEMAN 2.0 1

Le groupe des substances dites "émergentes" a été retrouvé sur 16 plans d'eau. Une seule substance est principalement quantifiée (65 % des quantifications observées en substances émergentes) : l'octocrylène. Il s'agit d'un filtre UV présent dans certaines crèmes solaires et ayant la caractéristique de résister à l'eau. Il se retrouve également dans les cosmétiques de la vie quotidienne : shampoings, crèmes anti-âge, autobronzants... L'abaissement de la LQ de ce paramètre d'un facteur 20 entre les suivis 2021 et 2022 (100 µg/kg MS à 5 µg/kg MS) explique la fréquente quantification de cette substance lors du suivi 2022 alors que celle-ci n'était qu'anecdotiquement quantifiée lors des suivis précédents (moyenne en 2022 de 14 µg/kg MS, maximum de 56 µg/kg MS sur Chaillexon). Il en est de même pour le galaxolide, musc synthétique utilisé dans les parfums : des concentrations entre 5 et 16 µg/kg MS sont observées en 2022, alors que cette substance n'a jamais été quantifiée lors des suivis précédents (paramètre suivi depuis 2018).

  • Listes des substances émergentes quantifiées en 2022 et nombre de plans d'eau impactés
Nombre de plans d'eau concernés
Substance
Octocrylene 13
Galaxolide 4
Triclosan 2
Irganox 1076 1

13 autres micropolluants organiques ont été quantifiés. Le di(2-éthylhexyl)phtalate (DEHP) constitue la substance quantifiée sur le plus grand nombre de plans d'eau (17 plans d'eau).
Les phtalates sont utilisés pour assouplir les matières plastiques et entrent donc dans la composition de nombreux plastiques (dont les PVC). Le DEHP est le plus utilisé des phtalates. Il s'agit d'une substance dangereuse prioritaire. La présence de phtalates dans l'environnement provient de la dégradation des déchets plastiques et du ruissellement de l'eau sur les surfaces plastifiées en contenant. La pollution par les phtalates est donc essentiellement d'origine diffuse. Le DEHP est biodégradable mais peut persister plus longtemps que d’autres phtalates dans le milieu aquatique où il va s’associer aux sédiments et ainsi mieux résister à la dégradation en mode aérobie (Dargnat, 2009). Les concentrations observées en 2022 restent relativement faibles, inférieures à 200 µg/kg MS pour la moitié des quantifications (moyenne de 211 µg/kg MS, maximum de 435 µg/kg MS sur Chaillexon).

  • Les autres micropolluants organiques quantifiés en 2022
Nombre de plans d'eau concernés
Substance
DEHP 17
Crésol-para 10
BDE209 9
Crésol-méta 7
n-Butyl Phtalate 4
Biphényle 3
Diisobutyl phthalate 3
Toluène 3
Benzène 1
Dichloroaniline-2,6 1
Isopropyltoluène p 1
Octane (C8) 1
Tributylphosphate 1