Les composés perfluorés (PFC) ou substances per- et polyfluoroalkylées (PFAS) constituent une vaste classe chimique caractérisée par une chaîne plus ou moins longue d'atomes de carbone liés à des atomes de fluor. Ainsi, tous les PFAS contiennent des liaisons carbone-fluor qui sont stables. Ces liaisons en font des composés chimiques peu dégradables dans l’environnement, ce qui vaut aux PFAS d’être qualifiés de « polluants éternels ».
Ces molécules sont synthétisées par l’industrie chimique depuis la fin des années 40 en particulier afin d’élaborer des produits résistants à l’eau, aux produits gras, antiadhésifs et résistants aux hautes températures. D’après la littérature, il existe plus de 4000 substances appartenant à cette classe chimique, toutes d’origine anthropique. En raison de leurs propriétés hydrophobes et lipophobes ainsi que de leur stabilité thermique et chimique, elles possèdent un champ d'application très large : vêtements contre la pluie, revêtements anti-adhésifs pour batteries de cuisine et revêtements superficiels anti-taches, mousses anti-incendie, etc.
Les PFAS sont également présents dans des produits plus complexes comme les semi-conducteurs et les batteries lithiums-ion qui sont à la base des transitions numériques et énergétiques avec, entre autres, l’électrification attendue du parc automobile. Un marché en plein essor qui intensifie la production de PFAS pour de nouveaux usages.
Enfin, les multiples propriétés des PFAS sont également employées dans la fabrication de pesticides. Les épandages agricoles pourraient donc être une source de contamination d’origine diffuse. Le sujet des « PFAS pesticides » est encore mal documenté. Deux herbicides, parmi les substances les plus utilisées en France, peuvent être classés dans la famille des PFAS : le diflufenican et le flufénacet. Le diflufenican est considéré comme une substance persistante, bioaccumulatrice et toxique. Quant au flufénacet, il génère un métabolite, l'acide trifluoroacétique (TFA), un PFAS à chaine ultra courte très persistant et extrêmement mobile dans le milieu souterrain.
L’utilisation des PFAS et de leurs dérivés dans un ensemble relativement important de produits à usages industriels, agricoles et domestiques, fait que ces composés peuvent se diffuser largement dans l’environnement.
Le bassin Rhône Méditerranée compte quatre des cinq sites de production français de PFAS : deux sites au sud de Lyon sur la commune de Pierre Bénite, un à Tavaux dans le Jura et un à Salindres dans le Gard à l’est d’Alès. Le bassin compte également des industries utilisant ou ayant massivement utilisé les PFAS dans leur process, par exemple, à Rumilly en Haute Savoie.
Les PFAS ont été recherchés par l’Agence de l’Eau à partir de l’année 2017. Dans un premier temps, la campagne 2017 n’a pas établi la présence des composés per- et polyfluoroalkylés car les limites de quantification (LQ) des molécules étaient trop élevées. Depuis 2018, une diminution de ces limites de quantification a permis de mettre en évidence de faibles concentrations de PFAS dans les eaux souterraines des bassins Rhône Méditerranée et de Corse. Les résultats présentés ci-après excluent les données de la campagne de 2017.
Le tableau ci-dessous représente l’évolution des LQ (en µg/l) depuis le début du suivi en fonction des sous-familles de PFAS analysées. Les sous-familles de PFAS colorées en gris n’ont jamais été quantifiées depuis 2017.
Ces changements de LQ intervenus depuis la mise en place du suivi se traduisent par des variations dans la signification des résultats lorsqu’ils sont exprimés en fréquence de quantification comme c’est le cas dans le graphique ci-dessous :
Parmi les vingt-deux PFAS qui ont été recherchés, neuf ont été quantifiés dont trois qui font l’objet d’interdiction ou de restriction au niveau mondial dans le cadre de la réglementation POP (polluants organiques persistant) issue de la convention de Stockholm.
– PFOS = restriction de la production et de l’utilisation depuis 2009 ;
– PFOA = interdiction à l’import, l’export et à la production depuis 2019 ;
– PFHxS = interdiction de la production et de l’utilisation en vigueur à la fin de l’année 2023.
Depuis 2022, les PFAS suivis sont les vingt substances listées par la Directive eaux potables. Certains composés produits ou utilisés dans le bassin Rhône-Méditerranée comme le TFA (produit à Salindres et utilisé comme matière première dans la fabrication de nombreux produits comme des médicaments, des pesticides ou des colorants) ou le 6:2 FTS, substance rejetée dans le Rhône au Sud Lyon, ne sont pas inclus dans cette liste.
Par ailleurs, la réglementation ne prévoit pas non plus le suivi des fluoropolymères qui sont utilisés dans de très nombreuses applications industrielles (en particulier dans des technologies exigeant de très hautes performances comme les semi-conducteurs, les piles électriques, les batteries …) . Il s’agit de plus grosses molécules que les 20 PFAS suivis par l’agence de l’eau Rhône Méditerranée Corse. La longueur de la chaine de carbone a une influence sur la solubilité de la molécule et sa capacité d’absorption par les particules du sol. Ainsi, les PFAS à chaine plus courte sont plus persistants et également plus mobiles dans la nappe. La masse moléculaire élevée des PFAS polymères leur confère une faible mobilité dans l’environnement. Toutefois, ils ont des persistances variables dans l’environnement et sont souvent dégradés en PFAS à chaine plus courte, comme le PFOA ou le PFOS.
L’IGEDD dans son rapport de décembre 2022, préconise des méthodes globales permettant de mesurer l’ensemble des PFAS présents dans l’environnement. Une analyse d’un ensemble cumulé de substances permettrait de prendre en compte les fluoropolymères, jamais mesurés pour l’instant Actuellement les méthodes d’analyse ne permettent pas d’obtenir une concentration en PFAS totalement fiable.
Les analyses actuelles qui procèdent substance par substance sous-estiment probablement la contamination compte tenu du grand nombre de substances PFAS produites et émises dans l’environnement.
Les « hot spots de contamination » sont définis par des sites où les concentrations en PFAS analysés sont supérieures à 0,1 µg/l. Dans la littérature, au-delà de cette concentration, la présence des PFAS est considérée comme dangereuse pour la santé.
La carte ci-dessous, représente la concentration totale (somme des PFAS) maximale mesurées sur une station de suivi. Les points en rouge et en noir sont considérés comme des « hot spots ».
Données 2018-2022
Sur l’ensemble du suivi (2018-2022), les PFAS ont été quantifiés sur environ 40 % des points analysés. Ces points se trouvent en grande majorité dans des aquifères avec des vulnérabilités intrinsèques importantes et souvent en liaison avec les eaux superficielles (aquifères alluviaux ou dans une moindre mesure dans les aquifères karstiques).
26,8 % des points suivis dans la région Bourgogne Franche Comté et Grand Est ont révélé la présence de PFAS. La vallée du Doubs et la région de Dijon sont particulièrement impactées. Quatre « hot spot » ont été identifiés :
- sur le puits du Breuchin à Breuches (70) où depuis 2022 avec l’analyse du PFPeA, la somme des PFAS dépasse la valeur de 0.1µg/l ;
- les sources Moullières et d’Arcier dans la région de Besançon (25) ;
- et la source de la Sansfond au sud de Dijon (21).
Dans la région Auvergne-Rhône-Alpes, environ 42 % des points de suivi ont présenté au moins une quantification. Les points sont majoritairement localisés dans des zones urbaines et industrielles en particulier au niveau de l’agglomération lyonnaise où des concentrations importantes sont mesurées. En plus de la région lyonnaise, d’autres « hot spots » apparaissent sur la carte :
- la région de Rumilly (74) présente des concentrations en PFAS très importantes, la pollution est principalement lié au PFOA interdit en 2019 en raison de son potentiel cancérogène ;
- le forage de Pont de Claix au sud de Grenoble qui est implanté dans les alluvions du Drac sous l’influence de pollutions historiques industrielles ;
- et le puits des Châtaigniers à Arras sur Rhône (07) qui est implanté dans la nappe d’accompagnement du Rhône et dont une grande partie de l’alimentation provient des eaux du Rhône.
En Provence Alpes Côte d’Azur, 58,4 % des points suivis ont présenté au moins une quantification. Des concentrations supérieures au seuil de 0,1µg/l sont observées sur le forage privé des Cravons à Berre l’Etang (13) depuis 2022 avec un maximum à 0,171 µg/l principalement en raison de l’abaissement de la LQ du PFOS anion et de la recherche du PFPeA à partir de cette date. Un « hot spot » a également été identifié à Aubagne (13) sur un forage privé où les PFAS sont analysés uniquement depuis 2022.
En Occitanie, environ 42 % des points de suivi ont présenté une contamination aux PFAS. La zone la plus touchée se trouve au niveau des plaines de Mauguio-Lunel et de la Vistrenque. Parmi les « hot spots » qui apparaissent sur la carte se trouve :
- le forage de Servian (34) où des PFAS ont été détectés une seule fois sur 8 prélèvements, il est possible que ce prélèvement soit peu représentatif de l’état de la nappe et soit dû à un artefact lié au prélèvement ou à l’analyse ;
- le forage de Vauguières à Maugio (34) qui se trouve à proximité de l’Aéroport Montpellier Méditerranée, les mousses anti-incendies utilisées dans les bases aériennes et les aéroports peuvent être à l’origine d’une contamination par les PFAS ;
- le forage Dassargues à Lunel (34) les fortes teneurs sont principalement le fait du PFHxA ;
- et le puits de Comps à Beaucaire (30) situé au bord du Rhône et dont l’alimentation principale provient du fleuve.
Les perfluorés sont également quantifiés sur les aquifères alluviaux de Corse, dans la région de Calvi (à proximité immédiate de l’aéroport) et d'Ajaccio sur la côte Ouest et sur la plaine de la Marana-Casinca sur la côte Est. Depuis 2022, les analyses ont mis en évidence la présence de PFAS dans l’aquifère miocène au niveau de Bonifacio.