Depuis 2018, l'agence de l'eau Rhône-Méditerranée Corse complémente son suivi de la qualité des cours d'eau avec des organismes aquatiques exposés en cours d'eau : les gammares (gammarus fossarum). Ces organismes qui s'apparentent à de petites crevettes ont la propriété de bioaccumuler certaines substances présentes dans l'eau. Afin d'être exposés au milieu naturel, ils sont placés dans des encagements micro-perforés et déposés dans les cours d'eau. On analyse par la suite les substances contenues dans leur tissus, ce qui permet d'observer l'éventuelle présence de certaines substances chimiques absorbées par les organismes lors de leur exposition.
Longueur : 1 à 2 cm. A gauche, un couple de gammares avec une femelle disposant de gonades noires sur la partie dorsale et d’embryons de couleur orange dans la poche marsupiale située sur la partie ventrale. A droite, une femelle disposant d’embryons noirs dans la poche marsupiale.
Ces organismes ont été utilisés sur 56 stations du bassins. Leur exposition en cours d'eau dure 21 jours et se répete trois fois dans l'année afin d'intégrer la variabilité temporelle (exposition en fin d'hiver, au printemps et en automne). Chaque année la moitié des stations sont suivies, de manière alternative. Au total, 256 paramètres chimiques sont analysés sur chaque lot d'organismes exposés.
La cartographie présente les stations du bassin sur lesquelles des gammares ont été exposés. Les expositions ont été réalisées dans des milieux divers et sur la totalité du bassin Rhône-Méditérranée. Ce suivi n'a pas été réalisé sur le bassin de Corse, car les organismes de type gammarus fossarum n'y sont pas endémiques. Ainsi, les cours d'eau corses restent préservés d'une éventuelle introduction accidentelle de cette espèce de crustacé d'eau douce.
Les BBAC sont des valeurs seuils de contamination biodisponible définies par l'INRAE. Par BBAC, on entend toute valeur de concentration au-dessus de laquelle une concentration mesurée chez les organismes exposés peut être interprétée comme une contamination d’origine anthropique.
Le graphique ci-dessous présente le nombre de contamination relevé par substance sur la période 2018-2019 (56 stations échantillonnées 3 fois pour 256 paramètres). Autrement dit, il montre le nombre de fois où pour une substance donnée, la concentration mesurée dans les gammares a dépassé la BBAC correspondante.
On remarque dans la distribution que certains paramètres dépassent assez fréquemment les BBAC, c'est notamment le cas des PCB, des HAP et des métaux, alors que d'autres dépassements sont plus exceptionnels. Cela reflète à la fois la contamination des milieux et l'affinité du support gammare vis-à-vis de certaines substances, spécifiquement les moins hydrophiles.
Les distributions présentées ci-dessous mettent en lumière un nombre important de dépassement des BBAC sur certaines stations. C'est le cas notamment des stations marquées par des pressions industrielles, historiques et actuelles (Avène, Drac), des stations situées à l'aval de bassins viticoles (Ardières, Azergues) ou encore de stations situées sur de petits cours d'eau et à l'aval de zones urbaines densément peuplées (Huveaune). Ce constat est cohérent avec l'analyse faite par ailleur sur le support eau. Il met cependant en exergue une contamination du milieu par des substances peu solubles dans l'eau.
Les 56 stations suivies en 2018 et 2019 présentent toutes au moins une substance avec un niveau de contamination supérieur au BBAC. Afin d'aller plus loin dans l'interprétation des données, et en nous appuyant sur un historique de données plus important (données acquises entre 2018 et 2020 inclus), les paramètres pourront à l'avenir être agrégés par grande famille afin de mieux distinguer le type de pression s'exerçant sur les milieux, conformément à la méthodologie proposée par l'INRAE.
Le support gammare, intégré depuis 2018 à la surveillance sur biote, permet d'obtenir un suivi intégratif (les encagements sont exposés durant 21 jours) des substances biodisponibles (assimilables par ces organismes). Cette approche innovante a permis de détecter des substances peu quantifiées dans les suivis basés sur d'autres supports (eau, sédiments ou poissons).